05/10/2011

Hino Sensei parle de Bruxelles

Déjà quelques mois depuis la visite d’Hino Sensei, des moments auxquels je pense bien souvent tant cela fut…magique.
Dans le magazine « Hiden » du mois de Juillet 2011 traduit par l’équipe de Budo Export qui fournit des équipements d’arts martiaux de qualité dans le monde entier, Hino Sensei revient sur son dernier périple européen et consacre un chapitre bien intéressant sur sa visite dans notre capitale.

Vers Bruxelles
Ce stage a été pour moi très particulier. Bien sûr chaque stage à Paris est aussi spécial, parce que le corps et les habilités physiques des français n’ont rien a voir avec celles des japonais et c’est toujours une excellente occasion d’expérimenter pour voir jusqu’à quel point la “théorie du corps selon Hino” peut s’adapter et fonctionner. Mais, à Bruxelles, c’était la première fois. Je pouvais avoir une vague idée de comment ça allait marcher, mais en réalité je n’en savais rien et c’est pour cela que c’était passionnant.

Le dojo où l’on a fait le stage était magnifique. Quand on monte les escaliers on trouve des tables comme dans un restaurant et au bout… un bar! Nous sommes arrivés juste à l’heure, et il y avait des pratiquants buvant quelque chose au bar. Lors du  stage à Paris la proportion de jeunes était assez élevée. Bien sûr il y avaient des gens plus âgés, puisque il y avaient des professeurs, mais en général l’ambiance était plutôt jeune. A Bruxelles, j’ai l’impression que l’âge moyen était plus élevé. J’ai trouvé des gens de mon âge, ou même, peut être, plus âgés que moi ainsi que de nombreux enseignants d’origines différentes. Il y avait un mélange de différents types de “dogi”. Bref, j’ai eu l’impression que l’âge moyen était plus élevé. Ce n’était peut être qu’une simple impression, je ne saurais le dire, mais ce n’est pas si important. Ce qui est important est que le fait qu’il y avait plus de gens âgés m’a fait réfléchir, à nouveau, sur « comment aborder le Budo ?”.

Ils s’amusent, ils travaillent en disant “oui, c’est comme ça…” “non, ce n’est pas comme ça…” et je ne sens pas d’impatience ou de malaise lorsqu’ils le font. En d’autres termes, Ce n’est pas non plus une volonté de réussir à tout prix, ils essayent tout simplement, de façon très sérieuse.  Même au Japon je ne vois ce niveau de concentration qu’avec mes anciens élèves, plus habitués à travailler ma méthode. Comme la plupart des élèves étaient comme ça, il y avait, tout la journée, un bon mélange de densité et de tension (positive) dans l’air du dojo.
De l’autre côté il y avaient quelques personnes qui n’étaient pas du tout concentrées. Ces personnes étaient des gens semble t-il “enthousiastes”. Pourtant, ils ne cherchaient pas à travailler ce que je faisais. (travailler sur un point du sternum) mais ils faisaient “un exercice” qui ressemblait, ils faisaient une interprétation de ce qu’ils ont croyaient avoir vu et ils réussissaient immédiatement. Résultat, bien sûr, ils s’ennuyaient. J’ai bien insisté: “Il ne s’agit pas d’un exercice, c’est une méthode pour mieux connaître le corps”.

Les gens qui ont perçu ça comme un exercice ne peuvent pas changer d’avis. En fait, ils ne sont pas capables d’en comprendre le sens, ils sont convaincus que “mouvoir le corps = technique”. Ils ressemblaient plus que à des amis de dojo qui se distrayaient (s’amusaient). L’un devait être un prof, il montre à son élève ce que j’ai fait et lui explique. Bien évidemment, ils se trompaient, il est impossible qu’ils aient comprit ce que je faisais. Et ce n’est pas parce que c’est le première fois qu’ils voyaient mes mouvements. C’est parce qu’ils ne connaissent pas le concept de “lien”, ni le concept autour de « l’utilisation du sternum”. Avant de me dire que ce sont des “idiots”, je me suis demandé quel est l’interêt que des gens comme cela apprennent à faire ce que je fais.

En fait, dans les mouvements que je montre, il y a des concepts que j’ai créés moi-même et travaillés depuis longtemps. Les gens qui les voient pour la première fois (et les autres) qui forcement ne sont pas “moi”, ne peuvent pas les connaitre. Ils ne voient que le “mouvement”, ils le prennent comme un “exercice” et ils le font. Et s’ils réussissent à faire un mouvement qui ressemble à ce que j’ai fait, ils sont satisfaits. Quand j’ai remarqué ça, j’ai compris que, dans le passé, aucun des “Budoka” japonais s’étant expatrié en Europe n’avaient été compris. Quoi qu’ils fassent, ce serait toujours perçus comme des “exercices”.

“Le plus important n’est pas le mouvement mais la relation avec le partenaire”, le point du contact, et le “kehaï(NdT. « ressentir/percevoir l’intention »). C’est ce qui est vraiment important. J’ai répété ça jusqu’à en avoir la bouche sèche, et j’ai pratiqué avec chacun d’eux pour qu’ils puissent “sentir” la sensation, le contact. Je voulais qu’ils puissent vraiment sentir qu’il ne s’agit pas d’un exercise, qu’il ne s’agit pas de la force du bras. Je voulais qu’ils comprennent que les arts martiaux traditionnels japonais ne se composent pas seulement de “mouvements corporels” mais qu’ils se basent et ils se construisent sur la rélation et la contact avec le partenaire (l’adversaire).

“Il ne s’agit pas un « sport » occidental. Pour les occidentaux c’est vraiment difficile à aborder car le Budo fait partie d’une culture totalement différente, mais c’est pareil pour moi lorsque j’essaye d’apprendre la culture occidentale”.
Les gens les plus âgés pratiquent avec joie et je n’ai jamais vu ça au Japon. Peut-être s’agit t-il de la manière occidentale de l’aborder.
Je pense que le “Budo” existe comme mot, mais qu’il n’existe plus en tant que pratique. Nous vivons à une époque où il ne peut plus (ou difficilement) exister. « Comment aborder le Budo de nos jours ? » est une question à laquelle le stage de Bruxelles m’a permis de réfléchir de nouveau.
Retrouvez cet article ainsi que les impressions d’Hino Sensei sur le stage de Paris via ce site.
Hino Sensei sera à nouveau à Bruxelles les 08 et 09 février 2012.

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