27/11/2009

Tradition/modernité

A voir les pratiquants impeccablement alignés, avec leurs kimonos immaculés et leurs hakamas dans un silence impressionnant, à contempler les longs saluts cérémonieux, on se croirait revenu à une autre époque, dans un autre lieu. C’est du moins ce que pense le spectateur non initié. Pour lui, l’Aïkido semble englué dans le passé, la tradition. Un art martial, certes, mais de quelle utilité en cas de conflit, à l’heure de la bombe et de la mitraillette ? Ramener l’art martial à l’efficacité défensive est une erreur qui dénature la discipline.

 modernite

Face aux agressions du monde moderne dans tous les domaines : bruits, concurrence, pouvoir de l’argent, agitation, environnement, atteintes corporelles, etc., l’Aïkido propose une autre solution que l’écrasement du plus faible : construire un homme à la force sereine, sans agressivité, mais prêt à réagir grâce à son équilibre mental, corporel et relationnel.
Le but n’est pas la compétition, la victoire sur l’adversaire, mais la mise à l’épreuve de soi-même et de l’aptitude à remonter la pente pour retrouver l’équilibre un instant menacé.
C’est le sens même de la chute. Toujours tomber et toujours se relever.
Se connaître soi-même et s’améliorer, sans violence. C’est la raison pour laquelle l’Aïkido peut convenir à tous : enfants, hommes, femmes, personnes âgés.

 preparation

Aïkido et Seniors débutants
Ayant lancé depuis peu l’Aïkido pour les seniors grands débutants (certains débutent à plus de 70 ans), j’ai été fasciné par le changement qui s’est opéré. Face aux rieurs qui comprennent mal cette démarche, Maître TAMURA, que je suis fidèlement, a répliqué "On peut pratiquer l’Aïkido de la petite enfance à la mort".
Au lieu de se recroqueviller, les anciens se redressent (shizei), ils osent à nouveau sortir, entreprendre (irimi) et adopter leurs comportements à l’environnement en un coup d’oeil (ma aï).
Je ne sais s’ils auraient une grande efficacité combative, mais je sais qu’ils développent là une forme fondamentale de la martialité dans la vie quotidienne.
Peu importe le point d’arrivée, ce qui compte, c’est le chemin parcouru depuis les débuts en Aïkido.
Se connaître soi-même et se modeler pour progresser, c’est paradoxalement, par le respect le plus total de la tradition, de reisiki et la répétition systématique des mouvements que le transfert s’opère et permet d’aborder sereinement les agressions de la modernité.

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Globalité de l’être
Le point le plus important dans cette évolution semble lié au concept de la globalité de l’être. La France, pays de Descartes a créé des spécialités du corps, des spécialités de l’intellect et des spécialités de l’affectif. Certes, l’homme est organisé en trois systèmes :
– le cerveau primaire (le corps)
– le cortex (l’intellect)
– le système glandulaire et hormonal (l’affectif).
Mais, les trois entretiennent d’étroites relations (un choc affectif peut déclencher un cancer. Un enfant qui assimile mal les mathématiques élémentaires est souvent
un enfant qui se situe mal dans sa fratrie).
Pour vieillir harmonieusement, il convient de ne négliger aucun des ces trois systèmes. Que l’intellect ne travaille plus, le corps et l’affectif (sentiments / relationnel/ sexualité) en subiront les conséquences.
L’Aïkido met en place un être global où les trois composants se développent harmonieusement, interagissent et permettent de décupler l’énergie.

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En guise de conclusion
L’Aïkido exorcise rituellement la violence par une violence codée pour que l’autre ou soi-même puisse apprendre à rentrer dans la vie en esquivant avec amour : changer de place, ne jamais perdre, décourager l’agression et harmoniser.
Cet art le plus traditionnel est certainement le mieux adapté à la modernité.
Traditionnel, parce qu’il revient à l’essence même de l’attitude primitive : se confronter à la vie, sans écran de protection, à mains nues.
On l’avait peut-être oublié avec les jeux virtuels qui donnent l’illusion de la puissance tout en entretenant l’agressivité.
La redécouverte de l’unité perdue passe par la négation de cette paranoïa.
Et, dépouillé de l’agression quotidienne et des nuisances du conditionnement à l’émulation et à la gloire, se retrouver dans la beauté pour se modeler comme un objet d’art spirituel et performant avec les autres : TOUT UN ART
Par René TROGNON (CEN FFAB) dans Seseragi 
 
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