Il y a peu, Léo Tamaki a parlé de cela dans un stage, furtivement.
Mais ce mot a résonné dans mes oreilles car je l’avais vu quelques fois dans quelques livres et d’anciennes publications martiales.
Je parle ici d’ « Heiho » que l’on peut traduire par stratégie, un mot apparu avant les définitions que nous connaissons telles que « Budo » ou encore « Bujutsu ».
Je n’y avais pas vraiment prêté attention car j’y voyais là un vocable destiné uniquement à utilisation militaire.
En voici la signification : “Méthode (Ho) du guerrier (Hei)” : stratégie militaire.
Bien sûr, il est difficile de savoir qui fut réellement à la source de ces approches car l’homme depuis qu’il peut marcher a développé ses propres stratégies de par son enclin à créer des conflits sans cesse.
Néanmoins, il y eu des grands noms de la stratégie tel Sun Tzu (qui était chinois et non japonais) qui a peut être influencé certaines idées de stratégie au Japon.
Son ouvrage « L’Art de la Guerre » écrit vers le 05ème siècle avant notre ère est le classique de la stratégie et a inspiré de nombreux dirigeants qu’ils soient militaires ou économiques.
L’ouvrage est fondé sur le principe suivant : gagner ou perdre une guerre ne se fait pas par hasard, ni par l’intervention des dieux ou des esprits. C’est une question de méthode et de stratégie. De bons principes stratégiques conduisent à la victoire, il est donc important de les étudier.
Musashi Miyamoto a aussi dans son ouvrage « Gorin No Sho » posé les jalons d’une forme de stratégie, elle aussi utilisée dans tous les milieux.
La stratégie de combat au Japon, d’après mes petites recherches, a connu, outre Musashi, différents grands épisodes, il en existe évidemment bien d’autres.
Paradoxalement, la première apparition de Heiho serait à la base d’une approche « pacifique » de la stratégie.
Celle-ci a été formulée par Ito Ittosai Kagehisa (1560-1653) dans son ouvrage Itto-ryu Ken-jutsu et a apporté une conception tout à fait neuve dans la technique du combat au sabre : l’entraînement doit avoir pour objectif l’élévation spirituelle plus que l’acquisition de techniques proprement dites.
Sans mental fort et en dehors de l’attitude spirituelle “juste”, celui qui pratique l’art du sabre n’arrivera qu’à se détruire lui-même. Cette attitude doit être calme, pure et sincère (Makoto). Elle seule permet d’utiliser à son profit le mouvement de l’adversaire (Katsujin-no-ken).
Heiho refère donc à un comportement purement défensif, dans lequel il n’y a aucune agressivité (On peut remarquer que les caractères japonais pour Hei-ho sont lus “méthode du guerrier” alors que les mêmes idéogrammes se lisent en chinois “Voie de la paix”).
En 1632, un autre éminent stratège, Munenori Yagyu va rédiger un autre traité nommé le Heihō kadensho (兵法家伝書). Celui-ci est basé sur la théorie et la pratique de l’escrime et de la stratégie. Avec le livre de Musashi, c’est l’un des plus éminents traités sur la guerre dans la littérature classique japonaise. Comme l’ouvrage contemporain de Musashi, le texte de Munenori est vite devenu populaire grâce à son applicabilité au-delà du paradigme du guerrier.
Le livre est divisé en trois chapitres.
1.« L’Épée qui tue », traite de la force comme remède au désordre et à la violence.
2.« L’Épée qui donne la vie » examine le rôle de la prévention des conflits.
3.« Sans épée » examine le bien-fondé de l’utilisation des ressources de l’environnement pour tirer le meilleur parti de celui-ci.
Ce dernier chapitre de l’ouvrage traite de sujets comme la façon dont un terrain plus élevé peut donner un avantage sur les ennemis et comment utiliser les intempéries à son avantage. Il y a plusieurs mentions de la façon dont un terrain accidenté peut faire toute la différence dans la bataille et comment une chose simple comme une pierre branlante peut retourner la situation contre l’ennemi.
Dans l’école Kishinkai, ce sera donc plutôt cette vision qui sera appliquée.
Léo explique souvent que nous devons toujours penser que Aite est plus fort, plus puissant, plus entraîné, plus aguerri que nous-mêmes et que vaincre par la force nous sera impossible.
Bien loin de certaines pratiques qui, si elles ont des qualités certaines, font quand même la part belle au physique, preuve en est faite par les saisies « broyeuses » sur quelqu’un qui en fait « fait don de son corps ».
J’aime d’ailleurs beaucoup la métaphore de Léo sur la grand-mère qui doit combattre un pilier des All Blacks.
Ou ce moment ou il a appelé un jeune enfant de douze ans pour le mettre en face d’un super costaud pour détailler que c’est ce qui se passait sur les champs de bataille d’antan. En fait, ce fut bien réel. Quand un enfant avait atteint l’âge de 15 ans (certains parlent de 13 ans), il pouvait obtenir un Wakisashi (petit sabre) et un nom d’adulte lors d’une cérémonie appelée Genpuku (元服). Lors de cette cérémonie, il devenait samouraï. Il obtenait aussi le droit à porter un Katana. Dès cet instant, il était à même de participer aux combats du clan.
Evidemment, l’enfant avait déjà reçu une éducation vers cette destinée dès sa naissance, celle-ci était parfois cruelle et bien éloignée des enfances d’aujourd’hui.
Quoiqu’il en soit, il était impossible pour un enfant de vaincre un adulte, qui faisait souvent le double de sa taille et de son poids, sans faire appel à la stratégie.
Nous devons donc chacun développer nos propres stratégies qui varieront, je pense, suivant chaque individu car plusieurs éléments entreront en ligne de compte comme le physique, l’état d’esprit, le vécu ou d’autres.
Ceci basé sur les principes enseignés et, évidemment, dans les deux rôles de l’Aiki, Aite (uke) et Tori.
Comment attaquer imperceptiblement, comment bouger sans appel, sans contractions musculaires, comment ne pas tourner, comment être léger, etc.
La recherche est infinie et diablement passionnante.
Le Kishinkai Aikido nous donne les outils pour arriver à cela, encore faut-il arriver à les utiliser correctement et à bon escient…