24/09/2009

Débuter en Aïkido

Celui qui se tourne vers le Do ressent, au fond de lui, un appel : le besoin de connaître son être profond, de découvrir sa vraie nature. Commence, alors, pour lui, un long cheminement. La voie, c’est nous relier à la dimension de sagesse qui nous habite. Mais avant tout, il faut la confiance, d’elle découle tout le reste. Sans elle, rien n’est possible. C’est un lien sans lequel on ne peut grandir. Le témoignage de ceux qui sont plus loin sur la route, est là pour nous éclairer. Les croire, c’est d’abord les écouter. Confusément, nous pouvons déjà pressentir la réalité de notre dimension spirituelle, mais l’aide d’un enseignant est nécessaire pour nous guider sur ce chemin d’intériorité. La position juste consiste, alors, à donner sa confiance pour être prêt à recevoir l’enseignement.  

La Voie est progressive Dans la Voie, il faut donner le temps au temps ! Tout comme on ne peut pas arracher les racines d’un arbre pour qu’il puisse grandir plus vite. Ce retour sur soi nécessite du temps, de la patience et de la persévérance. C’est un long travail, un champ à cultiver sans relâche, mais sans forcer. Tout est question de dosage. Ce n’est pas par la force que l’on franchit le seuil qui mène au cœur de soi-même ! Peu à peu, la prise de conscience de cette dimension intérieure commence à s’installer de plus en plus souvent, de plus en plus longtemps. Les rechutes sont toujours possibles, si la vigilance n’est pas toujours soutenue. Et comble de l’ironie, dans tout cela, nous ne sommes pas assurés du résultat. En plus de cela, il faut savoir que les fruits produits par cet enseignement quotidien seront abandonnés. Nous attacher à la découverte facile, au bonheur passager, à la paix goûtée de temps en temps, est un piège. Si nous voulons coûte que coûte les garder et les posséder il faut si dire « voyagez léger, vous aurez plus de chance d’arriver », si l’on trébuche sur un obstacle, il faudra se soigner, se relever, continuer et recommencer en utilisant tous les moyens qui sont à notre disposition, car l’essentiel c’est de continuer… 

Les moyens pour avancer Les arts du Budo sont des outils précieux aux multiples facettes. Les techniques, la maîtrise du souffle, la concentration, la méditation et l’étude des textes classiques, c’est le chemin obligé, qui se dirige vers un seul but : la découverte de notre être le plus profond. Notre véritable nature est là, au creux de nous même, en germe, en attente d’être développée, d’être délivrée. Mais les obstacles rencontrés sont nombreux et encombrent le chemin. Notre travail consiste à les ôter ou à les contourner. La pratique est le dépoussiérage nécessaire à faire régulièrement, car la poussière obscurcit cette lumière intérieure et nous empêche de voir clair. Nous trouvons dans le Budo différents moyens, beaucoup de variétés, différents styles, et cela heureusement ! Car nous sommes tous différents et le Budo tient en compte les individualités. Chacun cherchera, puis trouvera les directions qui l’intéressent, qui lui plaisent, qui le feront progresser et les proportions dans lesquelles il introduira telle ou telle activité dans la pratique.  

L’importance de la lecture Si la pratique n’a pas un support d’étude de textes, pour le chercheur cela ne sera pas suffisant. Pour la majorité de nos pratiquants, cela semble inutile et dénué de sens. Et pourtant, dès le début nous nous retrouvons face à nous-mêmes. D’abord, dans la confusion, et de nouveaux repères sont à trouver. Certains iront combler ce vide dans un apport technique, changeant de style, d’école… Mais avec le temps ils se trouveront sur un « parking ». Changer de techniques sans se changer soi-même est une erreur ! Car, celui qui n’a pas une intention pure n’évoluera pas. L’ego sera roi et obscurcira encore plus sa vraie nature. Dans la voie, tout est apprendre, tout est difficile. Grâce à l’expérience, on comprend mieux le débutant et il faut penser plus judicieusement aux mécanismes d’apprentissage qui doivent lentement se mettre en place. Puis, pas à pas, nous sortons de la confusion, comme nous le dit le Zen : « Au début la rivière n’est plus la rivière, la montagne n’est plus la montagne ; après l’étude, la rivière redevient la rivière, la montagne redevient la montagne ». Les choses s’éclaircissent, un début de sens se dessine à l’horizon. La pratique devient « lâchez prise ». Lorsque nous sommes reliés à nous-mêmes, c’est bien du Budo que nous pratiquons. La lecture, les textes nous habitent. Ils deviennent disponibles pour nous aider à comprendre le monde, à agir avec discernement, à choisir la Voie qui nous guide S’il est vrai que le chemin apparaît quelque fois long et tortueux, il n’en est pas moins vrai que certains bénéfices arrivent très tôt : amélioration physique et bien être se font sentir. Profitons de ces instants savoureux, où le corps se détend, se tonifie, se déploie, se libère. Mais les beaux jours ne sont pas toujours là. Et de temps à autre, quelques problèmes de santé viennent rompre l’harmonie. Pourtant, si nous plongeons en notre centre, ce qui s’agite à l’extérieur perd de son influence. Nous retrouvons un endroit à l’abri des tourmentes extérieures, un lieu de paix inaltérable. Il y a en chacun de nous une intériorité profonde à découvrir, un espace interne, le lieu de l’Etre… Chacun trouvera le nom qu’il désire lui donner, car cette réalité où tout est serein, inchangé, éternel dépasse les mots. Saviez-vous qu’au centre du son il y a un cœur ?! 

Quand le dérèglement physiologique est mineur et passager, cet endroit peut sembler accessible. Mais quand la maladie est grave, inversible, est-il possible d’atteindre la paix ? On peut être atteint d’une maladie grave, un cancer par exemple, et dire paisiblement : « Moi, je vais bien, mais ce corps a passé de mauvais moments… » « Se placer là au centre de soi-même permet de mieux accepter les pathologies que l’on ne peut pas faire disparaître. » Dans le Budo, tout comme pour le Yoga, le moyen proposé pour atteindre l’état de paix intérieure, consiste à faire de son mieux, à se détacher des résultats de l’action entreprise et à accepter ce qui nous dépasse. Cette attitude quotidienne d’ouverture profonde, suppose l’abandon de l’ego à une force supérieure. Au niveau des tensions psychologiques, la recherche de ce lieu, habité par notre être profond, est une façon de prendre du recul face aux agressions, souvent répétitives de l’environnement. La prise de conscience de ce « Principe Intérieur » permet de relativiser les événements, de dédramatiser les situations quotidiennes et pourquoi pas, de développer l’humour sur soi au regard de nos réactions parfois inadéquates. L’amélioration de nos relations avec les autres devient tangible. Au lieu de foncer dans nos actions intempestives, un temps d’arrêt s’impose afin d’entrer en soi-même. Là, une évidence apparaît : « je suis libre de faire autrement. » Dans cet espace de liberté et de vérité, jaillit une attitude, une action, une réponse avec plus d’amour qui permet d’évaluer et non d’enfermer. Une réponse qui me libère de mes automatismes. 

Se tourner vers l’intérieur réduit les obstacles, change notre regard, notre écoute et met en lumière ce qui est vraiment important : cet espace où nous faisons l’expérience du permanent et de l’inaltérable. Progressivement, nous pouvons vivre de plus en plus souvent dans la conscience de notre profondeur, qui est disponible à tout instant, en toutes circonstances. Il suffit d’être attentif, de tenter de s’y ouvrir. Chemin faisant, nous comprendrons que la vie intérieure a une grande importance, et sera une démarche plus approfondie. L’unification de notre être est en cours . Pour qui le désire, il ne restera bientôt plus qu’un seul objectif à poursuivre : la découverte de soi. Comment décrire ce plan profond qui nous caractérise en tant qu’individu ? Une présence spirituelle ? Est-ce que c’est vivre l’instant présent sans être parasité par le passé et l’avenir ? Est-ce que c’est différent pour chacun ? 

Dans la voie, on dit, qu’il existe autre chose que le mental. Cette autre réalité est supérieure au mental et en est le maître. Elle perçoit toujours tout, c’est un témoin qui nous habite. Les textes sanskrits anciens le nomment « drashtr  celui qui perçoit ». On dit : « c’est comme deux oiseaux sur la même branche, il y en a un qui mange et l’autre qui le regarde. » Cette compréhension n’est pas de l’ordre d’un savoir, mais d’une expérience psycho spirituelle ; elle s’enracine dans sa propre mutation, dans les conflits que l’on a connus et dans les réponses à la fois empiriques ou personnelles et collectives ou traditionnelles que nous avons su y apporter. La pratique du Budo conduit dans un sens juste, nous mène à prendre conscience de notre véritable nature. « Je ne suis ni mon corps, ni mon mental avec son cortège d’émotions et de réflexions. JE SUIS ! » L’état ultime est la capacité de distinguer le mental en paix, qui fait partie du plan matériel (monde manifesté), de l’entité qui perçoit ; qui fait partie du domaine spirituel (non manifesté). Arrivé à ce niveau de conscience pure, s’épanouit un état de bonheur et de paix. La libération, la sérénité, peuvent éclore. Cet état unifié est le véritable état du Budo :  mushin en japonais. Pour le travail difficile qui accompagne la pratique, toute une vie y suffit à peine. Mais quelle merveilleuse perspective !

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